Une tête, un corps et un cou affiné, la drôle de forme en canard de bain de la désormais célèbre comète Tchouri serait le résultat de la fusion de deux corps distincts il y a des milliards années selon les derniers données de la mission «Rosetta».

Après dix ans, cinq mois et quatre jours de voyage, le 6 août 2014, la sonde européenne Rosetta se mettait en orbite autour de la comète 67P/Tchourioumov-Guérassimenko et envoyait, trois heures plus tard, de nouvelles images étonnantes. Relief lisse ou escarpé, rochers à la surface, «cou» reliant deux lobes du noyau, un grand et un petit: on découvrait des détails inédits de la comète, baptisée «Tchouri».

Sa forme si particulière fait alors naître une question: quelle est l'origine de ces deux lobes et de ce cou ? Est-ce le résultat de la fusion de deux blocs ou celui d'une forte érosion ou de dégazages, localisés dans la région centrale de la comète ?

      

Des strates allant jusqu'à 650 mètres

En utilisant les images à haute résolution réalisées par la caméra OSIRIS embarquée sur Rosetta, Matteo Massironi, du département de géosciences de l'université de Padoue en Italie, et ses collègues ont pu établir que les deux lobes, les deux parties de la comète sont constitués de couches stratifiées un peu comme un oignon. Et que le corps et la tête du canard «sont deux objets distincts avec leur propre structure en oignons», explique à l'AFP Matteo Massironi, coauteur de l'étude publiée lundi dans la revue britannique Nature.

En utilisant les données récoltées par les instruments de Rosetta, les chercheurs ont pu établir que la partie la plus large de la comète est constituée de strates allant jusqu'à 650 mètres de profondeur et que ces couches sont différentes de celles de la «tête» de Tchouri. La forme de Tchouri est donc le résultat d'un impact à faible vitesse de deux comètes stratifiées avant leur fusion qui a dû avoir lieu à l'époque des premiers stades de la formation du Système solaire, il y a quelque 4,6 milliards d'années. «Pour la première fois, cette étude donne des explications sur la façon dont les corps originaux se sont formées au début du système solaire», précise à l'AFP Matteo Massironi.

«La collision et la fusion des deux corps ont dû être très lents»

Autre élément: la similitude des structures et de la composition des deux lobes indique que les deux morceaux ont été formés par des processus similaires d'accrétion, de capture de matière par un astre sous l'effet de la gravitation. «Notre étude prouve pour la première fois que des collisions douces et des fusions se sont produites, conduisant à la formation de ces corps à deux lobes», précise le chercheur. «La collision et la fusion des deux corps ont dû être très lents, sinon nous n'aurions pas cette structure ordonnée, en oignons», ajoute-t-il.

Il y a plusieurs autres comètes comme Borrelly, Hartley 2 et peut-être Halley qui montrent une forme à deux lobes mais les images disponibles ne permettent pas de définir leur structure interne. «Nous ne pouvons donc pas encore en conclure qu'elles ont toutes été formées à partir de deux éléments», tempère le chercheur.

L'objectif de la mission Rosetta est de mieux comprendre l'évolution du Système solaire depuis sa naissance, les comètes étant considérées comme des vestiges de la matière primitive. Et les aventures de la sonde vont se poursuivre. L'Europe a prolongé la mission jusqu'en septembre 2016.

Source : 20minutes